Henri DARCHY (ST-E 1972)

 

PORTRAIT : Henri DARCHY (ST - E 1972)

Je suis rentré à l’ENSAIS en 1968 et obtenu le diplôme d’ingénieur en section Electricité en 1972.

C’est en 1971 que j’ai découvert l’univers de la construction des centrales énergétiques, avec un stage intéressant au sein de l’Aménagement d’EDF sur le site des unités 3&4 en construction de la centrale thermique du Bec d’Ambès, aujourd’hui démantelées. Dans la foulée, j’ai suivi un stage à Alsthom où j’ai découvert le Groupe d’Entreprise de Centrales Thermiques et d’Ensembles Electromécaniques, le CTM. J’ai rencontré Mr Paul BACHE– M51 (aujourd’hui dynamique membre d’A&I Franche-Comté) à qui j’ai fait part de mon intérêt pour le métier d’ensemblier à l’export.

Mi-1973, avant de terminer mon service militaire, Paul m’a fait rencontrer le Directeur des Travaux Extérieurs. Malgré un creux d’activité sur chantiers, et selon son expression, « parce que je n’étais pas un puceau dans l’énergie » suite à ma formation à l’ENSAIS et les stages à l’EDF & Alsthom, il m’a orienté vers Paul LUGAND – M51, Directeur de l’Ingénierie qui m’a embauché.

Le 1e déc. 1973, à la fin du service militaire, je suis arrivé à Belfort en famille et pris mes fonctions d’ingénieur procédés au CTM.

 J’ai effectué 7 années à Belfort dans les Départements d’Ingénierie avec l’avènement des projets d’ilôts conventionnels nucléaires dès 1974. Puis 10,5 années passées à l’étranger dont 7,5 années dans la réalisation des projets d’ilôts conventionnels de centrales nucléaires - 3,5 ans à Koeberg en Afrique du Sud pendant la période d’Apartheid et 4 ans en Corée du Sud au Pays (soit-disant) du Matin Calme avant les JO de Séoul puis retour en France pendant un an suite à l’accident de Tchernobyl qui a gelé le projet nucléaire des Pays-Bas et mon détachement prévu à La Haye.

La commande de 2 unités nucléaires sur le site de Daya bay en Chine, avec transfert de technologie et de connaissances de l’ingénierie nucléaire, a été néanmoins confirmée en septembre 1986.

Durant la période de « trève nucléaire », j’ai passé 3 ans en Indonésie à Jakarta pour la mission du PDG d’Alsthom – Jean Pierre DESGEORGES afin de lancer un bureau local d’ingénierie de centrales, le DED Unindo qui a entre-autre œuvré à l’obtention du contrat de Bukit Asam 3&4, centrales thermiques au charbon de 65 MW dans la jungle de Sumatra.

 Les centrales à cycles combinés avec turbines à gaz avaient engrangé un succès impressionnant à partir de 1989 et faisait l’objet d’un fort crédit de confiance et d’intérêt. Aussi, à mon retour en France en 1991, il s’est produit une scission dans les activités cycles combinés et centrales thermiques attribuées à 2 groupes - CCG & PPG et filiales distinctes.  Cela a permis entre-autre de créer des postes de direction de départements d’ingénierie dont le leadership a été proposé aux ingénieurs ayant effectué une partie de leur carrière à l’étranger.

J’ai ainsi poursuivi une activité pendant environ 3 années à mi-temps entre Belfort et Knutsford en Angleterre (épuisante physiquement) au sein de GEC ALSTHOM Groupe PPG – Power Plant Group après le mariage paritaire de GEC/UK et ALSTHOM en 1989.

Grâce au programme de partenariat des fabrications avec la Chine, nous avons maintenu en UK une permanence de l’activité nucléaire et obtenu la signature du contrat de 2 unités de 985 MW à Lingao en Chine en octobre 1995.  Au sein de PPG, nous lancerons entre-autre des études de standardisation avec le projet VESTA pour des centrales à haute performance avec cycles supercritiques, chaudières à lit fluidisé circulant pour l’obtention de taux d’émissions très bas pour brûler des combustibles à faible pouvoir calorifique comme le lignite (centrale de CAN en Turquie) ou le petcoke (centrale de Tamuin au Mexique). La centrale de Laibin B en Chine de 350 MW au charbon sera un exemple du concept VESTA.

 En 1994, cycles combinés et centrales thermiques fusionnent à nouveau et prennent le nom de PPG au sein d’une nouvelle Division PGD – Power Generation Division. Cette année là, une grève éclate à Belfort et nous avons dû organiser notre activité en dehors des murs de l’usine pour respecter les échéances des chantiers en cours.  Cette grève laissera un impact négatif vis-à-vis du site de Belfort auprès de l’actionnariat Alsthom et pour les décisions futures de Direction.

 En 1999, euphorie boursière avec la vente en bourse de 52% du capital de GEC ALSTHOM, GEC se recentrant sur l’électronique de défense et les télécommunications pour CGE. Alsthom perd son « h » et la même année se crée une co-entreprise avec ABB (qui était le N°1 de l’énergie) du nom d’ABB Alstom Power dans le domaine de l’énergie. Alstom France cède son activité turbines à gaz à GE par suite de l’acquisition de la technologie ABB.

Période difficile de restructuration en particulier pour harmoniser les méthodes et outils entre les entités d’ingénierie localisées à Belfort, Massy, Mannheim, Milan, Baden et sans oublier les entités locales en Pologne, Chine, Inde, USA et Malaisie. Ce fut un réel challenge entre anciens concurrents, chacun apportant son expérience, pour pérenniser l’entité de Belfort comme « centre d’excellence » et pourvoir les postes des leaders en responsabilité transverse.

 L’année 2003 a été une année très difficile pour ALSTOM, période de crise avec la faiblesse du marché de l’énergie et des problèmes de turbines à gaz GT24/26 héritées d’ABB qui réduisaient nos prises de commandes et qui ont fortement aggravé la situation financière et provoqué les premières ventes « par appartement ».

Il s’est alors produit un recentrage des activités sur Belfort et Baden comme « centres d’excellence » et le regroupement des activités opérationnelles de Plant Levallois à Belfort.

J’ai donc pendant des mois effectué une activité transverse à la tête des Départements d’Ingénierie Construction entre Belfort et Baden et vers nos bureaux locaux.

 En 2010, compte tenu des tendances du marché, il a été mis en place une réorganisation du Secteur Alstom Power par type de combustibles avec un ajustement des ressources auprès des marchés les plus dynamiques (+ de 60% du marché en Asie).

Le secteur Alstom Power a été découpé en 6 Business :

  • énergies fossiles : STEAM et GAS
  • énergies sans C02: HYDRO, WIND, NUCLEAR, THERMAL RENEWABLES

avec des fonctions opérationnelles transverses et se répartissant les lignes de produits.

 Ce fut la reprise de l’activité nucléaire. Un rêve se réalisait car en 1991, après l’accident de Tchernobyl, j’avais fait rire l’assemblée en prédisant que je partirai en retraite après avoir renoué avec cette filière. Merci à tous les collègues qui devant le responsable Ressources Humaines et leur Direction STEAM ont confirmé leur désir de rejoindre l’ingénierie nucléaire CIGE – Nuclear Conventional Island Global Engineering et cela juste après le terrible accident nucléaire de Fukushima au Japon.

Nous avons réalisé à Belfort les études de la salle des machines de l’EPR Flamanville avec EDF, les études des salles de machines EPR de TAISHAN 1&2 en Chine, les études conceptuelles d’un projet BWR nouvelle génération avec un Client allemand, les études guide du projet de Kakrapar – 600MW en Inde et de la salle des machines de Baltic en Russie associée à la nouvelle génération des réacteurs VVER. Une partie de l’équipe d’ingénierie à  Levallois était en charge de la préparation et la négociation technique des offres en proximité des départements commerciaux.

J’ai dû effectuer des déplacements hebdomadaires en région Parisienne pour ce grand retour du nucléaire.

En 2013, EDF devait prendre une bonne décision pour le projet de construction des unités EPR sur le site de Hinckley Point C en Angleterre. Elle tardera.

 Paradoxalement c’est à l’étranger que j’ai pu profiter d’une vie familiale pleine et enrichissante.

En 1990, de retour d’Indonésie, j’ai choisi en accord avec mon épouse, d’être un exilé volontaire en Alsace dans son petit village de Blaesheim qui fait partie de l’Euro métropole, pour permettre à nos filles de poursuivre leurs études supérieures. Beaucoup de collègues avaient parié que je ne tiendrai pas 2 ans et en réalité cela a duré 22 ans.

De ce fait, j’ai donc effectué moult trajets entre le domicile et Belfort ce qui a représenté environ 484 000 km soit 12 fois le tour de la terre. Cela restera une épreuve physique parfois risquée surtout pendant la période hivernale et coûteuse avec les radars.

Il est certain que les dernières années, il aurait été plus sage de s’installer au siège à Levallois et effectuer le trajet hebdomadairement par le TGV depuis Strasbourg mais comme ancien du CTM je suis toujours resté fidèle à Belfort, proche de l’ingénierie.

 Le métier d’ensemblier à l’Alstom a toujours été un centre d’excellence reconnu dans le domaine de l’énergie.

Je vous citerai le texte d’un ancien collègue Claude BOLARD – INSA Lyon :

 « En vérité, s’il ne s’agissait que d’un seul métier ce serait à l’évidence celui d’un magicien ou d’homme-orchestre car en réalité il s’agit de toute une panoplie de métiers très diversifiés mais liés entre eux par l’impérative motivation de participer à la réalisation d’une œuvre titanesque. Que l’on soit financier, chef de Projet commercial, chef de projet d’Ingénierie, opérateur CAO, technicien, ingénieur d’études, chargé des approvisionnements, inspecteur de contrôle des fabrications, planificateur, coordinateur des participants, chef de Chantier, monteur, metteur en service, chargé des relations avec le Client, chacun est lié aux autres dans le seul but de faire progresser le projet. Il est clair que chacun, à sa place, est en relation permanente et inévitable avec les autres spécialités. Jouer personnel dans ce domaine ne peut que conduire à l’échec. La réussite, par contre, passe par les autres, même s’ils ne parlent pas notre langue ».

 Aussi une des règles d’Or de la Direction d’Alstom Power a été celle des 3C : Communication / Communication / Communication.

Ce métier d’ensemblier impose de la respecter et d’avoir une rigueur dans la maîtrise globale des risques.

 Le 1e octobre 2012, j’ai pu prendre ma retraite pour suivre le conseil d’un vieux sage qui a dit « quand on a travaillé toute une vie, ceux qui réussissent à lâcher sont ceux qui parviennent à s’inventer une nouvelle vie sinon tu risques de n’être plus rien ».

 Il est bien agréable aujourd’hui de partager avec vous, futurs ingénieurs, ce témoignage d’une vie professionnelle qui fût passionnante et passionnée. Votre réussite professionnelle nécessitera quelques sacrifices à partager en harmonie avec votre famille.

Beaucoup de personnes s’imaginent que travailler dans un grand groupe international serait plutôt peinard. Comme vous avez pu le constater, la survie d’une entreprise multinationale dans ses domaines d’activité, réside dans le maintien de son expertise, sa souplesse d’adaptation aux nouvelles techniques, l’innovation, la mise en œuvre d’une politique de changement périodique nécessaire pour lutter dans un secteur où la compétition est rude, s’adapter aux demandes des marchés internationaux et aux nouveaux Clients, savoir gérer et motiver son personnel dans un contexte multiculturel. En un mot, je ne me suis vraiment pas ennuyé et parfois il ne fallait pas paniquer en particulier les veilles de remise des offres et devant les risques encourus par certaines décisions techniques en particulier dans le domaine du génie-civil.

Depuis mon départ en retraite, le secteur Energie de l’Alstom a été repris par l’américain General Electric. J’ai ainsi compris pourquoi, 2 ans avant mon départ, j’ai du créer cette ingénierie nucléaire indépendante du secteur des centrales thermiques fossiles.

Quel est le devenir du métier d’ensemblier de projets de centrales clés en mains au sein de GE? Un seul commentaire, ce n’est pas une pratique aux USA, d’attribuer de tels marchés aux constructeurs d’équipements électromécaniques (turbines et alternateurs).

 Edf passera t’il commande à GE des études d’exécution du projet nucléaire d’Hinckley Point ? Je le souhaite à tous mes anciens collaborateurs toujours en activité.  

Henri DARCHY (ST - E 1972)

 

Ex Alstom Power Nuclear – Directeur CIGE