François MAURER (ST-TP 1976)

Chef d'Etat Major de la Défense Est à la retraite 

 

Peux-tu relater ton parcours professionnel, quelques faits marquants, des satisfactions ?

En fait, c'est au 1er choc pétrolier de 1974 que je dois le choix d'une carrière quelque peu atypique pour un diplômé Génie Civil (TP à l'époque) de l'ENSAIS. Je m'étais débrouillé pour obtenir un stage d'été chez Spie-Batignoles, stage qui fut annulé pour cause d'incertitudes financières. Un oncle, directeur de la protection civile à la préfecture du Bas-Rhin, m'oriente alors vers une "issue de secours" : le laboratoire d'essais au feu à Champs-sur-Marne où je contribue à la conduite des fours et de divers appareillages destinés à évaluer la réaction au feu des matériaux et la résistance au feu des éléments de construction. De fil en aiguille, je choisis comme sujet d'étude spéciale (PFE) un travail sur le désenfumage qui me met en contact avec Robert DOLLINGER, un grand seigneur de la profession chez les sapeurs-pompiers, lui-même architecte diplômé de l'ENTS. Après une année passée à l'université de Stanford (merci à Jean-Pierre PERROTIN, le prof d'anglais de l'Ecole, pour cette expérience inoubliable qui ne m'a pas rapporté un fifrelin mais qui m'a ouvert les portes d'autres voies de la vie para-professionnelle) et une autre année chez les pompiers de Paris (service national oblige), je passe le concours de capitaine sur titre de sapeurs-pompiers professionnels.

J'entre au corps de sapeurs-pompiers de Mulhouse où, en plus de ma charge opérationnelle comme les autres officiers, je dirige le bureau de prévention départemental, celui qui examine les permis de construire et qui fait hurler tant de constructeurs : les SS, services de sécurité ! Après cinq années de cette expérience captivante, je file à Nevers où je passe cinq autres années dans la fonction de chef de corps. Le poste de directeur départemental des services d'incendie et de secours du Haut-Rhin se libère; je ne remplis ni les conditions d'ancienneté ni celles du grade requis. L'absence d'autres candidatures fait que mon dossier est quand même retenu et je débarque à Colmar pour une période de douze ans pendant lesquels sont élaborées les bases d'une vaste réforme dénommée "départementalisation" des services d'incendie et de secours et construits les locaux d'une nouvelle direction et du centre de secours principal de Colmar.

Le ministère de l'intérieur m'appelle ensuite à la tête de l'Institut national d'études de la sécurité civile (INESC) où sont formés les cadres de l'Etat et les officiers de sapeurs-pompiers ainsi que des cadres de l'industrie à la gestion de crise. Ma carrière se termine à Metz dans une fonction un peu obscure mais combien enrichissante, de chef d'état-major de la zone de défense Est.

En parallèle à ce déroulement de carrière professionnel, poussé et aspiré par le Colonel DOLLINGER, je me suis engagé dans la vie associative internationale jusqu'à occuper pendant sept ans la fonction de président d'une grande fédération internationale des services de secours et de lutte contre l'incendie, le CTIF.

Des faits marquants, des coups durs, des satisfactions, j'en ai connus tout au long de mon parcours, qui s'est révélé initiatique du premier au dernier jour. Les coups durs, je n'en évoquerai aucun, mais ils sont quasi quotidiens dans un tel métier, vécus de près ou de loin. Des satisfactions ? Oui : des missions accomplies avec succès, une départementalisation réussie malgré des enjeux très forts et des obstacles réels ou fabriqués sur mesure, des rencontres au niveau international avec des collègues de tous grades et de toutes conditions, souvent personnages d'exception. Des faits marquants : des rencontres mais aussi des situations d'urgence angoissantes et parfois traumatisantes.

Comment as-tu vécu, vis tu et vivras tu encore tes relations avec Arts et Industries ?

Une fois diplômé, mes relations avec Arts et Industries ont, je l'avoue, mal commencé. Eloigné pendant deux ans, puis engagé dans une carrière où les diplômés de l'ENSAIS étaient peu nombreux, je suis resté en marge jusqu'à mon retour à Colmar. Peu engagé et pas très assidu pendant cette période, je le reconnais encore. C'est une fois officiellement en retraite que j'ai retrouvé du temps pour participer à la vie du groupement AI68 et j'ai, je le dis avec force, retrouvé avec grand plaisir une ambiance de sympathique camaraderie et un esprit Ecole qui ne s'était finalement pas tellement effacé avec les années. Mon nouvel engagement d'élu dans mon petit village de Gueberschwihr fait que mon avenir dans cette activité est désormais derrière moi mais, chaque fois que je ferai demi-tour …, qui sait ?

Quels conseils considères-tu utiles de donner à un diplômé sortant de notre INSA ?

Des conseils ? Ce serait prétentieux. Toutefois deux points : avoir, pas forcément du culot, mais de l'audace face à des situations inédites. Et surtout, continuer à se former tout au long de sa carrière.

En fonction de ton expérience, quelles aides, quelles actions à entreprendre, voire quels supports penses tu envisageables de mettre en œuvre pour aider nos jeunes au cours de leur formation tant initiale que continue ?

Mon expérience éclaire maintenant le passé, tout a évolué et changé en sept petites années et je ne connais déjà plus beaucoup de ceux qui nous ont succédé, à mes anciens collègues et à moi-même. Donc, pour ce qui me concerne, pas grand-chose dans le domaine technique. Peut-être une forme de tutorat auquel un jeune pourrait se référer face à une situation complexe ?

En tout cas, ne pas oublier ses profs. Maintenant que j'y pense, parce que plusieurs d'entre eux ont déjà disparu, je regrette de ne pas leur avoir apporté le témoignage de ma reconnaissance en leur rapportant le beau parcours auquel ils m'ont préparé.

 

Nota de « l’interwiever » Jacques PRENVEILLE (M 1962) :

Merci François, homme du  feu qui tient des propos avec un humour qui coule de source !